Librairie Pierre Saunier

Enterré vifEnterré vif Enterré vifEnterré vif

Poe (Edgar).
Enterré vif. Traduction anglaise de William Hugues.

Limoges, Eugène Ardant et Cie, (1882) ; in-12, cartonnage papier lithographié et gaufré à médaillon. Chemise, étui (cartonnage éditeur). 143 pp. dont un frontispice sur acier, 2 ff. dont table.

3 000 €

Première édition en volume de ces quatre nouvelles d’Edgar Poe : Enterré vif – La Lettre dérobée – Le cœur mort qui bat – L’homme dans la foule dans leur première traduction française par William Hugues.

Elle est absolument rarissime.

Le nouvelles ont d’abord paru en livraisons dans Le Mousquetaire d’Alexandre Dumas, en 1854, puis dans le Panthéon populaire, à la fin de la première livraison (sur huit) des histoires du Capitaine Mayne Reid (Le Désert), imprimée en 1855.

Né à Dublin en 1826, Hugues a 28 ans lorsque paraît sa première traduction de Poe dans Le Mousquetaire. La Fizelière l’avait introduit auprès d’Alexandre Dumas comme un littérateur anglo-français qui sait lire dans les livres de Poe, ce qui est rare, et qui sait les reproduire dans notre langue, ce qui est presque impossible, car un Anglais seul, et un Anglais qui connaît le dialecte américain, peut atteindre ce but. Malgré la concurrence de Baudelaire qui commence à publier ses traductions dans Le Pays, Hugues réussit à placer dans le journal de Dumas quatre traductions supplémentaires en 1855 et six autres en 1856, annonçant qu’elles feront partie d’une édition complète des œuvres de Poe avec une biographie de l’auteur américain. Las, le succès des Histoires Extraordinaires, puis des Nouvelles Histoires extraordinaires que Baudelaire publie en 1856 et 1857, ne laisse de champ à aucun autre traducteur. Hugues ne trouve plus à placer ses traductions et doit attendre 1862, alors que Baudelaire est occupé à publier les Aventures d’Arthur Gordon Pym et Eurêka, pour publier ses Contes inédits que le poète semble avoir négligés. Il lui faut encore patienter une vingtaine d’années pour qu’Enterré vif paraisse enfin en volume… à Limoges, chez Eugène Ardant, un des principaux pourvoyeurs, avec la Maison Mame, de publications pour la jeunesse où littérature lénifiante et prêche vont de pair – La Librairie des bons livres (…) appropriés avec une grande variété et une juste sévérité aux besoins moraux de la jeunesse de nos écoles, de nos institutions, de tous nos établissements religieux d’instruction comme elle se présente.

On se demande bien ce que vient faire Enterré vif à la Maison Ardant… C’est bien la chose la plus extravagante qui soit : la première nouvelle qui donne le titre au recueil, n’appartient-elle pas aux nouvelles les plus terrifiantes de l’auteur américain ? Nul doute qu’il fut destiné à nos pieux bambins : il est imprimé en gros caractères pour en faciliter la lecture, enchâssé dans un rassurant gaufrage doré comme une papillote de Noël qu’agrémente une tendre vignette naïve … Quant au frontispice sanctifiant la moralité du récit, il est édifiant comme il convient : image douce de la piété populaire, un père et une mère agenouillée auprès de leurs petits regardent passer un enterrement – celui de la page 14 comme indiqué en légende, où une autre maman s’apprête à vivre un effarant calvaire. C’est sûr, il y a une vie après la mort…